Les nématodes

Les nématodes font partie des groupes nommé auparavant « pseudocoelomates » ou « blastocœliens » car leur cavité corporelle se développe à partir du blastocœle plutôt qu’à partir de fentes du mésoderme (voir chapitre développement). Les nématodes vivent dans différents milieux. Les formes libres se retrouvent partout: dans les sédiments marins, les eaux des lacs ou des sources chaudes, les habitats semi-terrestres, enfouies dans le sol, en Antarctique, etc. Les nématodes représentent la plus grande biomasse des sols et leur diversité est énorme. Un grand nombre de nématodes sont des formes parasites, qui peuvent affecter tous les groupes de plantes et d'animaux. Les nématodes vivant dans les sols n’atteignent parfois que quelques millimètres de long; par contre certains nématodes parasites peuvent atteindre plusieurs mètres.

Fiche récapitulative

- Vers ronds fusiformes, non segmentés ;
- Triploblastiques ;
- Symétrie bilatérale ;
- Entouré d’une cuticule ;
- Formes libres et parasites ;
- Les formes libres vivent dans tout type d’environnement: milieux marins ou dulçaquicoles, sources chaudes, habitats semi-terrestres, Antarctique, etc. ;
- Appareil excréteur unique, dérivé de l’ectoderme : les cellules Renette ;
- Absence d’un système circulatoire et respiratoire ;
- Peuvent vivre en aérobie et anaérobie ;
- Certains résistent à la dessiccation ;
- Reproduction sexuée, dioïque; certains sont hermaphrodites.

1. Présentation du groupe

Le Phylum Nematoda contient plus de 20.000 espèces décrites. Certains zoologistes estiment qu’il doit en exister entre 80.000 à 1 million d’espèces.
Vous voyez ici un type de Nématode libre. En grec, néma signifie rond. Par opposition aux vers plats qu'étaient les Platyhelminthes, les Nématodes sont des vers ronds. Ils se présentent essentiellement sous deux aspects : un long fil ou, plus fréquemment, un cylindre plus court, effilé aux deux extrémités. L'extrémité postérieure est souvent plus pointue que l'extrémité antérieure. Chez les petits Nématodes surtout, la cuticule est transparente, et permet de voir les organes internes.
Les nématodes font partie des groupes nommé auparavant « pseudocoelomates » ou « blastocœliens » car leur cavité corporelle se développe à partir du blastocœle plutôt qu’à partir de fentes du mésoderme (voir chapitre développement).
Les nématodes vivent dans différents milieux. Les formes libres se retrouvent partout: dans les sédiments marins, les eaux des lacs ou des sources chaudes, les habitats semi-terrestres, enfouies dans le sol, en Antarctique, etc. Les nématodes représentent la plus grande biomasse des sols et leur diversité est énorme. Un grand nombre de nématodes sont des parasites qui peuvent affecter tous les groupes de plantes et d'animaux (vous verrez ceci plus en détail dans la partie diversité, à la fin de ce chapitre).
Les nématodes vivant dans les sols n’atteignent parfois que quelques millimètres de long; par contre certains nématodes parasites peuvent atteindre plusieurs mètres.

2. Exemples(s)-type(s)

Ces deux vers allongés sont des Ascaris : Ascaris suum en particulier. Il parasite l'intestin grêle du Cochon. D'autres Ascaris, légèrement différents, parasitent d'autres Mammifères, ... y compris l'Homme.
Nous avons élu l'Ascaris comme spécimen-type de l'Embranchement des Nématodes, notamment parce qu’on le récoltait assez facilement à l'abattoir, avant la généralisation de l’usage des vermifuges.

2.1. Examen externe

Les nématodes sont entourés d’une cuticule (souvent) annelée formée de 3 couches de collagène sécrétées par l’épiderme (origine ectodermique). Cette cuticule percée de pores forme un exosquelette permettant la colonisation de tous les milieux. Pour grandir, ces vers doivent donc muer (ecdysis). Pour cette raison, on les classe au sein du groupe des Ecdysozoaires.
Cette cuticule épaisse et élastique protègerait également l’Ascaris et d’autres formes parasites internes, contre les sécrétions digestives de son hôte.
Une des caractéristiques presque unique des Nématodes (également retrouvée chez les rotifères) est le nombre de cellules fixe pour chaque espèce (eutélie). Les divisions cellulaires (mitose) s’arrêtent très tôt au cours du développement embryonnaire, et la croissance de ces vers est assurée par une croissance de la taille de leurs cellules plutôt que par un accroissement du nombre des cellules. Cette eutélie implique chez ces organismes une impossibilité presque totale de régénération.

Le corps de l'Ascaris

Le corps de l'Ascaris a la forme générale d'un cylindre allongé et effilé à ses extrémités, mesurant entre 20 et 30 centimètres. On y retrouve la bouche d’un côté et l’anus à l’autre extrémité. Leur bouche à la partie antérieure du corps est entourée de 3 lèvres charnues ainsi que de papilles sensorielles telle que la papille labiale. La bouche entourée de 3 à 16 lèvres est un caractère dérivé propre des Nématodes, tout comme les amphides (des chémorécepteurs spécifiques des nématodes) et leur système excréteur unique composé de cellules Renette que nous verrons plus loin dans ce chapitre.

La bouche

Cette photo en microscopie électronique à balayage montre un agrandissement de la bouche. La bouche ici, vous le voyez, est entourée de 3 lèvres charnues, qu'il ne faut pas confondre avec des ventouses.

Anatomie générale externe

Ce schéma illustre les caractéristiques externes des individus de l'Ascaris. Il est dioïque, c'est-à-dire que les mâles et les femelles sont des individus différents. Vous voyez le mâle à gauche et la femelle à droite : celle-ci est un peu plus grande et plus grosse que le mâle. Dans toute sa splendeur, elle mesure une trentaine de centimètres.
Sur la face ventrale, on voit un orifice excréteur. Chez la femelle, l'orifice génital ainsi que l’anus sont également situés sur la face ventrale. Chez le mâle, l'orifice génital et l'anus se déversent dans une petite cavité commune: le cloaque. L'égout municipal des anciens Romains s'appelait le Grand Cloaque... en zoologie, ce nom est réservé à la cavité où confluent divers canaux évacuateurs : dans ce cas-ci, le tube digestif et le canal génital. Le cloaque est garni de deux minuscules spicules, qui permettent au mâle de s'unir à sa femelle et de garder ouvert le pore anal de la femelle lors de l’accouplement. Il y a deux canaux excréteurs, sur les faces latérales droite et gauche, visibles à l'examen externe de l'animal.

Extrémités

Voici quelques extrémités d'Ascaris. La surface du corps est lisse et luisante, couverte d'une cuticule, et marquée de fines stries transversales. A droite, vous voyez la partie postérieure d'un mâle, recourbée et munie de ses deux spicules. Au centre de la photo, on voit la partie postérieure d'un Ascaris femelle, et à gauche l'extrémité antérieure d'un autre Ascaris.

2.2. Examen interne - 2.2.1. Tégument

Schématiquement, l'Ascaris peut être dessiné comme deux tubes emboîtés l'un dans l'autre ; le tube extérieur, formé par les téguments, et le tube intérieur aplati, formé par l'intestin. Les dérivés mésodermiques (système reproducteur, musculeuse...) se disposent entre ces deux parois.
Nous allons commencer par le tégument. Le schéma représente une coupe transversale d'une femelle d’Ascaris. La cuticule, représentée par le trait noir épaissi qui limite le dessin, est épaisse et élastique. Elle tapisse tout le corps de l'animal. La cuticule protège l'Ascaris mais surtout, elle contribue à son squelette hydrostatique, comme nous le verrons bientôt. La substance complexe qui constitue la cuticule est sécrétée par un épiderme syncytium. Le syncytium est une couche continue de cytoplasme, contenant de nombreux noyaux ; au cours du développement embryonnaire, les cellules épidermiques ont fusionné pour former ce syncytium. Vous constatez que l’épiderme syncytial a quatre épaississements: un dorsal, un ventral, et deux latéraux. Vous retrouvez sur la coupe transversale les deux cordons nerveux, ventral et dorsal au niveau de ces épaississements. Vous voyez aussi les canaux excréteurs logés dans les épaississements latéraux.

2.2.2. Système locomoteur

Sous le tégument se trouve une épaisse couche de muscles longitudinaux (origine mésodermique). Il n’y a pas de muscles circulaires transversaux et leurs mouvements sont donc exclusivement en forme de S.
Les cellules musculaires sont représentées en rouge et réparties en 4 champs ; deux champs dorsaux ; et deux champs ventraux. Ces champs sont délimités par les épaississements de l'épiderme syncytial. Les cellules musculaires ont une structure et une disposition très particulière, que vous observerez sur les coupes au microscope. Cliquez sur un muscle pour le voir le détail. Elles ont grossièrement la forme d'un « T ». La partie contractile, contenant les myofilaments, correspond à la barre horizontale du « T », appliquée contre l'épiderme dans le sens de la longueur du ver. La barre verticale du « T », c'est un bras cytoplasmique en contact avec les cordons nerveux.

2.2.2. Système locomoteur

Puisque les myofilaments sont tous orientées longitudinalement, quand les cellules musculaires se contractent, le ver se raccourcit (mais pas beaucoup, nous allons expliquer pourquoi tout de suite); quand elles se relâchent, le ver reprend sa longueur initiale. Les contractions inégales des cellules musculaires dans les 4 champs permettent au ver de se tordre sur lui-même. Au total, le pouvoir de locomotion de l'Ascaris est assez limité et le nématode ne produit que des mouvements saccadés, ondulés.
Les Nématodes possèdent un authentique squelette hydrostatique, constitué par leur vaste cavité interne, située sur la figure de la dia précédente entre le tube digestif et les muscles. Lorsque le ver est en activité, la pression interne du liquide de la cavité peut atteindre une demi-atmosphère; et même chez un ver au repos, elle dépasse de loin toutes celles que l'on rencontre dans les liquides internes des autres animaux. La conséquence inévitable de cette énorme pression interne est que l'animal est distendu au plus haut point permis par son épaisse cuticule; il offre d’ailleurs toujours une section transversale circulaire.
On pourrait s'attendre à ce que la contraction des muscles longitudinaux provoque une augmentation du tour de taille de l'animal quand il se raccourcit, mais c'est impossible puisque la cuticule est déjà distendue au maximum par l'énorme pression interne. Les variations de longueur du ver sont donc minimes.
En raison de cette forte pression interne, la structure morphologique de tous les Nématodes est stéréotypée et monotone. Ils n'en ont pas moins connu un grand succès. En effet, on a pu dire que même si tout disparaît sur terre, sauf les Nématodes, on pourrait encore discerner le contour du globe terrestre. C'est peut-être un peu exagéré, mais cela donne une idée de leur nombre et de leur ubiquité.

2.2.3. Système digestif

Sur la coupe transversale, on voit la section du système digestif, très aplati, d’origine endodermique. Vous verrez au microscope ou en cliquant sur la paroi que sa paroi est formée d'une seule couche de cellules cylindriques absorbantes, avec des microvillosités très serrées sur la face apicale. Le tube digestif est dépourvu de cellules glandulaires. Comme l'Ascaris vit en parasite, il suce de son hôte une nourriture déjà décomposée.

2.2.3. Système digestif

Le système digestif est formé par un long tube rectiligne qui s'étend de la bouche à l'anus. Il se compose d'un pharynx, d'un intestin, et d'un rectum. Le système digestif des nématodes s’ouvre aux deux extrémités.
Voyez la bouche. Juste derrière la bouche, le pharynx. La surface interne du pharynx est recouverte de cuticule (origine ectodermique) et le pharynx tout entier est entouré de muscles et aspire la nourriture. L'intestin fait suite au pharynx, tapissé d’une paroi d’origine endodermique. Il est plus long et représenté en jaune. Les cellules intestinales sont disposées en une couche simple. Finalement le rectum, est revêtu également par la cuticule à l'intérieur.
Rappelons que le tube digestif à deux ouvertures est un perfectionnement très important par rapport à la cavité gastrovasculaire des Cnidaires et des Platyhelminthes, qui ne possède qu'une seule ouverture. En effet, ici, le trajet des aliments se fait en sens unique, ce qui permet une différenciation de certaines parties du tube digestif. Chez l'Ascaris, le pharynx suce la nourriture, l'intestin absorbe les éléments nutritifs, et le rectum se charge d'évacuer les détritus. Dans une cavité gastrovasculaire par contre, la nourriture qui vient d'être ingérée est mélangée à celle qui est déjà décomposée par les sucs digestifs, et aux déchets également. Ce système manque un peu d'efficacité.
La structure des Nématodes est dominée par la haute pression hydrostatique de leur liquide interne. Le tube digestif est complètement aplati, si bien que la nourriture ne peut pas y être propulsée par des cils ou des contractions, mais doit être aspirée par la pompe pharyngienne. Toutes les ouvertures vers l'extérieur (bouche, anus, pore excréteur et pore génital) doivent être contrôlées par des sphincters puissants pour éviter que le contenu de l'intestin, des conduits excréteurs et des conduits génitaux ne soit expulsé à chaque moment du corps.
Est-il exact d'affirmer que le tube digestif de l'Ascaris est un dérivé endodermique? Réfléchissez soigneusement à la question.
L'Ascaris habite un milieu très pauvre en oxygène; il vit donc en grande partie en anaérobiose. C'est alors par la fermentation qu'il libère l'énergie indispensable à ses activités. Il décompose les glucides en acides gras organiques, à l'aide d'enzymes adéquats.

2.2.4. Systèmes respiratoire et circulatoire

Concernant les systèmes circulatoire et respiratoire, ils sont absents chez les nématodes et la respiration se fait par simple diffusion au travers de pores qui percent la cuticule ou par fermentation comme chez l’Ascaris. Le liquide qui circule dans la cavité centrale apporte des nutriments à toutes les cellules du corps, par un squelette hydrostatique.
Les Nématodes qui parasitent le tube digestif (comme Ascaris), ont un métabolisme anaérobique.

2.2.5. Système excréteur

Le système excréteur des Nématodes est très particulier, il est d'origine ectodermique et est un caractère dérivé propre des Nématodes. Chacun des deux canaux latéraux est creusé dans une seule longue cellule épidermique, qui fait presque toute la longueur de l'animal et est appelé cellule Renette. Il y a un noyau cellulaire par canal. Chez l’Ascaris, les deux longs canaux latéraux se rejoignent au niveau du pore excréteur.

2.2.5. Système excréteur

Les canaux excréteurs collectent les déchets du métabolisme de la cavité interne, produits par l'activité des cellules de l'organisme. C'est un rôle à ne pas confondre avec celui du rectum, qui évacue les substances non assimilées au niveau du tube digestif.
Les déchets azotés sont rejetés sous forme d’ammoniac chez les formes parasites et sous forme d’urée ou d’acide urique chez les Nématodes du sol.

2.2.6. Système nerveux

Le système nerveux, comme le tégument, est un dérivé ectodermique. Le cerveau est disposé en anneau autour de l'œsophage, comme un collier péri-œsophagien. Plusieurs cordons nerveux se détachent de ce cerveau. Les cordons nerveux antérieurs innervent la tête de l'animal, d'autres la partie postérieure du ver. Chez l'Ascaris, deux de ces cordons sont particulièrement développés : le cordon nerveux dorsal et le cordon nerveux ventral.
Les organes des sens sont également des dérivés ectodermiques. Ils sont situés surtout sur les lèvres qui entourent la bouche. Ils sont composés de cellules spéciales rassemblées en petites papilles tactiles, les papilles labiales. D'autres sont sensibles aux composés chimiques : ce sont des chémorécepteurs nommés amphides. On peut chercher des yeux : on n'en trouvera pas chez l'Ascaris. La régression des photorécepteurs est une adaptation à la vie parasitaire.

2.2.7. Système reproducteur

Il nous reste à voir un dérivé mésodermique: c'est le système reproducteur.
Le dessin représente le système génital de la femelle et du mâle. Chez la femelle on retrouve deux ovaires filiformes, longs de plus d'un mètre, dans un animal d'une quinzaine de centimètres, ... ils sont donc repliés un grand nombre de fois. Sur le schéma de cette dissection, on a sorti les ovaires du corps pour mieux les voir. Les ovaires sont recourbés en anses, rejoignent l'oviducte qui finalement se poursuit dans un utérus élargi. Les utérus droit et gauche confluent dans un vagin assez court, qui s'ouvre au niveau du pore ou orifice génital ventralement. Les ovocytes sont formés dans les ovaires, descendent les oviductes et se retrouvent dans l’utérus.
Chez l’Ascaris mâle on a écarté le tube digestif pour faire apparaître le système génital. Il est formé d'un seul testicule filiforme, très long et replié sur lui-même. Le testicule se poursuit par un spermiducte élargi, qui se jette dans une vésicule séminale plus épaisse. Cette vésicule est prolongée par un canal musculaire et glandulaire, qui débouche dans le cloaque, près de l'anus. Les spermatozoïdes sont formés dans le testicule, progressent dans le spermiducte et sont entassés dans la vésicule séminale.
Sur la figure sur la gauche on voit également la position de copulation de deux nématodes. Lors de la copulation, les spicules du mâle sont introduits dans le vagin de la femelle et les spermatozoïdes sont évacués par le cloaque dans le pore génital de la femelle. Ovocytes et spermatozoïdes se rencontrent dans l’utérus. Les œufs fécondés descendent et sont entourés au passage par une coque sécrétée par les glandes de la paroi interne de l'utérus. Enfin, les œufs sont pondus dans le milieu extérieur, en l'occurrence, l'intestin du Cochon pour Ascaris suum.
Il y a quelques espèces nématodes qui sont hermaphrodites et dont la production d’ovocytes et de spermatozoïdes se fait dans la même gonade: l’ovotestis.
Les ovaires, qui sont tellement longs par rapport à la taille de l'Ascaris, permet une fécondité étonnante: 64 millions d'œufs par an, ponte équivalent à 17.000 fois son poids!

2.2.8. Autre caractéristique des nématodes

La résistance à la dessiccation. Pour les nématodes, certaines espèces non parasites sont capables d’entrer en dessiccation à n’importe quel stade de leur cycle de vie.
Après cet examen des nématodes, essayez de répondre à cette question : Quelle sorte de symétrie l'Ascaris possède-t-il ? Justifiez votre réponse.

3. Origine, évolution et diversité du groupe

Comme pour un grand nombre des invertébrés, on pense que les premiers membres du groupe Nematoda sont apparus dans le milieu marin durant l’explosion Cambrienne il y a environ 530 million d’années. Les données fossiles sont néanmoins rares pour les nématodes et nous avons aucune certitude de cette hypothèse. Le plus vieux fossile nématode connu est Palaeonema phyticum qui a été trouvé en association avec Aglaophyton major, une plante terrestre de l’époque Dévonien (416-396 millions d’années) (Van Megen et al., 2009_Nematology).
Le faible nombre de caractères morphologiques homologues et l’absence de données fossiles informatives ont compliqué la taxonomie de ce groupe. Dès lors les chercheurs ont fait appel aux outils moléculaires pour la classification des Nématodes. Une analyse à large échelle a confirmé que les Nématodes se trouvent au sein des Ecdysozoaires, les organismes qui muent (voir l’article Dunn et al., 2008_Nature letters). Au sein même des Nématodes plusieurs classifications ont été présentées et les auteurs n’ont pas encore résolu le groupe basal. Une classification récente et une des plus complètes, utilisant comme marqueur l'ARN de la petite sous-unité du ribosome, démontre 12 clades de nématodes (van Megen et al., 2009_Nematology); au sein de différents clades on retrouve des espèces parasites. La lignée basale dans leur phylogénie contient le groupe Enoplida, des nématodes marins mais ceci est remis en question dans l’article de Bik et al. (2010). Nous n’allons pas détailler ici la classification complexe de ce groupe, ceux qui veulent en savoir plus lisez les articles de van Megen et al., 2009 (Nematology) et Bik et al., 2010 (BMC Evolutionary biology). Soyez attentif que ces classifications vont encore évoluer au fur et à mesure que plus de taxons seront inclus et de nouveaux marqueurs moléculaires seront utilisés.
Récemment, le génome complet du parasite Ascaris suum a été séquencé (Jex et al., 2011_Nature letter).

3.1. Cycles de vie général des nématodes

Malgré la diversité et complexité des différents cycles de vie des nématodes, la plupart suivent le même cycle de base. Il y a sept stades : l’œuf, quatre stades larvaires et deux stades adultes (le premier stade adulte est le stade immature). Le stade larvaire L1 se développe à l’intérieur de l’œuf, ensuite il y a éclosion, suivi de quatre mues. Le stade adulte immature subit une phase de croissance afin de devenir l’adulte mature mâle ou femelle.
Chez la plupart des nématodes la larve L3 est la forme infectieuse qui migre au sein du corps de son hôte définitif tout en subissant plusieurs mues pour devenir l’adulte mature. Le parasite quitte finalement l’hôte définitif par les fèces sous forme d’un œuf entouré d’une coque. Cet œuf se retrouve dans l’environnement ou à l’intérieur d’un second hôte (l’hôte intermédiaire).

3.2. Exemples de cycle de vie de parasites nématodes qui touchent l’Homme

1. Ascaris lumbricoides
2. Enterobius vermicularis
3. Trichinella spiralis
4. Wuchereria bancrofti

Ascaris lumbricoides

Une première exception à ce cycle de vie général est l'Ascaris suum qui parasite le cochon et l'Ascaris lumbricoides, parasite de l’intestin de l’homme. Voici une représentation du cycle de vie d'Ascaris lumbricoides. L'œuf, protégé de sa coque, est le stade infectieux de l’Ascaris. Il a été évacué avec les excréments d’un hôte infecté et est au stade unicellulaire. Son développement se poursuit quand il se trouve dans un milieu chaud, humide et la division et la première mue à lieu à l'intérieur de la coque.
Ensuite :
1. Les oeufs infectieux, contenant la larve L2, peuvent se retrouver sur des végétaux, des fruits ou dans le sol et être ingéré par un humain.
2. La larve L2 se libère de sa coque dès son arrivée dans l’intestin grêle de l’homme et pénètre la paroi de l’intestin afin de rejoindre par voie sanguine le foie où elle séjournera quelques temps. Au cours de ce trajet l’Ascaris subit déjà une mue et se retrouve au stade L3.
3. Toujours par voie sanguine, la larve quitte le foie et migre vers le poumon de l’homme. Elle y grandit (en muant deux fois) pour y atteindre le stade adulte immature.
4. Du poumon, la larve remonte la trachée, vire dans l'oesophage, et se laisse porter par le circuit digestif, jusque dans l'intestin.
5. Dans l’intestin la larve devient l’adulte mature mâle ou femelle. Une fois adulte, l'Ascaris se reproduira. En effet, l’homme avale en réalité tout un paquet d’oeufs embryonnés, et non pas un seul isolé. Après la reproduction, une femelle Ascaris pond environ 200.000 oeufs par jour et l’adulte peut vivre dans l’intestin pour 6 mois jusqu’à 2 ans.

Enterobius vermicularis

1. L'infection par Enterobius vermicularis est initiée par ingestion d’un oeuf embryonné.
2. Après ingestion de l’oeuf, l'embryon gagne l'intestin grêle où il éclot, puis il migre vers le gros intestin. Lors de la migration, la larve subirait encore deux mues afin d’atteindre le stade adulte. L’adulte mâle mesure environ 3 millimètres, la femelle environ 10. Le stade adulte vit dans le gros intestin de l’homme ou les vers se nourrissent du contenu intestinal ; c'est là aussi qu'il s'accouple. Après l’accouplement, le mâle meurt et est éliminé par les selles.
3. La femelle pleine d'œufs se dirige vers l'anus de son hôte.
4. La femelle y pond des oeufs; l'oeuf pondu contient déjà l'embryon, qui est infestant dès sa sortie de l'anus. La femelle meurt après avoir pondu ces oeufs.
5. Il se peut que des humains, surtout les enfants qui manquent d'hygiène, se grattent l'anus et mettent en bouche leurs doigts souillés. Ils avalent alors un embryon d'Enterobius et le cycle recommence. Rarement, l’œuf peut également éclore au niveau de l’anus et infecter l’homme via l’anus.
Cette possibilité d'auto-infestation de l'hôte est la raison pour laquelle on rencontre souvent de nombreux vers chez les enfants. La première infestation, évidemment, se fait par ingestion d'œufs contenus dans les matières fécales d'un autre individu, qui auraient souillé d'autres mains ou aliments.
Comme Ascaris, Enterobius est un parasite dont le cycle entier, depuis l'oeuf jusqu'à l'adulte, se déroule dans le même individu; il n'y a pas d'hôte intermédiaire.
Enterobius vermicularis est communément appelé oxyure. La maladie qu'il provoque est l'oxyurose. Elle consiste en une inflammation de l'intestin ; si les parasites sont peu nombreux, elle passe inaperçue. Mais à cause de l'auto-infestation, le nombre de parasites croît très vite, ce qui augmente les troubles intestinaux. Par ailleurs, les œufs se trouvant au niveau de l’anus peuvent créer des démangeaisons anales.
Ce parasite est cosmopolite ; on le trouve partout dans le monde. L'amélioration de l'hygiène entraîne sa disparition. On ne le regrettera pas.

Trichinella spiralis

La figure à gauche présente le cycle vital de Trichinella spiralis.
La trichine n'est pas plus grande qu'un petit poil et n’est pas spécifique à un seul hôte. Tous les Mammifères sont susceptibles d’être infectés. Décrivons les différentes étapes de la figure chez l’Homme :
1. L'infection débute par l'ingestion de viande infectée et mal cuite qui contient le premier stade larvaire (L1) sous forme de kyste dans les tissus musculaires.
2. L’hôte les avale, les kystes éclatent dans son estomac et les larves migrent vers l’intestin grêle. La larve se loge dans la paroi de l’intestin et subit les quatre mues endéans les 28 heures. Des adultes mâles et femelles sont formés et s’accoupleront. La femelle est vivipare, elle ne pond pas d'œufs mais donne naissance directement à des embryons. Pour ce faire, elle s'insinue dans les villosités intestinales de l'hôte et libère ses embryons (larve L1) qui passent dans les vaisseaux lymphatiques et sanguins qui irriguent l'intestin.
3. De là, les larves se répandent dans tout le corps.
4. Finalement, ils se fixent dans les muscles où ils s'enkystent. Chez l'Homme, les Trichines enkystées peuvent vivre 30 ans avant de mourir. Il y a peu de chance que ces larves-là aient des descendants.

Trichinella Spirilis

Supposons que notre homme a jeté à la poubelle les restes de son repas de viande mal cuite, qui sont goulûment récupérés par un rat. Dans ces restes, il y avait encore quelques embryons de Trichine. Les kystes éclatent dans l'estomac du Rat, les embryons gagnent son intestin, y atteignent l'âge adulte, les femelles mettent bas leurs embryons, qui s'enkystent dans les muscles du Rat. Et quand à son tour, le Rat se fait manger par un Cochon, le cycle recommence chez ce dernier. Donc, pour chaque hôte mammifère potentiel, nous retenons : la Trichine adulte dans l'intestin, et les embryons enkystés dans les muscles, avec propagation d'un hôte à l'autre en mangeant le muscle parasité.

Trichinella spiralis

Cette photo montre une coupe d'un muscle où l'on voit de nombreuses larves de Trichinella spiralis, enroulées en spirale. En mangeant de la viande contaminée et crue (ou mal cuite, salée ou fumée), on peut attraper la maladie, qui s'appelle la Trichinose. Elle provoque des troubles intestinaux, de la fièvre, des douleurs dans les muscles, et peut même être mortelle. En Belgique, cette maladie est fort rare, grâce à la surveillance des abattoirs. Si le kyste peut survivre 30 ans chez l'homme, l'adulte, lui a une vie assez éphémère.

Wuchereria bancrofti

1. Les filaires de l’espèce Wuchereria bancrofti sont transmises à l’homme par le moustique ; contrairement aux exemples précédents nous avons deux hôtes différents ici. La larve L3 du parasite (la forme infectieuse) pénètre dans la peau de l’homme au moment de la piqûre.
2. La larve migre dans le corps de l’hôte via le système lymphatique et mue jusqu’au stade adulte.
3. Mâles et femelles s’accouplent et donnent naissance à des microfilaires.
4. Les microfilaires peuvent se retrouver dans le système sanguin de l’homme et quand un moustique prend un repas de sang, il ingère ces microfilaires.
5. Les microfilaires pénètrent l’intestin et migrent vers les muscles thoraciques de l’insecte. Ceci est le stade larvaire L1.
6. Au niveau des muscles, la larve mue et se développe jusqu’au stade L3 qui migre ensuite vers les parties buccales de l’insecte.
Les filaires peuvent provoquer des blocages des canaux lymphatiques de l’homme. Quand les blocages sont importants, la maladie qui s'ensuit s'appelle éléphantiasis. Cette maladie affecte surtout les membres. La lymphe stagne dans les tissus, qui s'hypertrophient et prennent un aspect éléphantesque. Cette maladie est courante dans les pays chauds : Chine, Japon, Inde, Egypte, Brésil, etc.

Patient atteint par l'elephantiasis

Tous ces exemples ont pour but que de vous familiariser avec le parasitisme chez les Nématodes. Retrouvez-en les caractéristiques générales communes. Ils vous permettront aussi de comparer les adaptations au parasitisme entre Nématodes et Platyhelminthes.

3.3. Autres nématodes parasites

Outre les parasites de l’homme, d'autres vivent au détriment des Plantes: ils passent une partie de leur cycle de vie dans les plantes, qui les hébergent. Nombre d'entre eux peuvent former des kystes inertes qui se conservent pendant des années dans le sol. On connaît un exemple de survie au bout de 39 ans! Vous voyez ici le genre de dégâts que peuvent provoquer ces Nématodes.

Dégats causés par les Nématodes

Ici, vous voyez le céleri attaqué par une Anguillule, qui abîme ses racines. L'Anguillule de la betterave sucrière fut le premier Nématode connu pour infester les cultures. Elle ne s'attaque qu'aux racines d'un petit nombre d'espèces de Plantes. L'Anguillule des Pommes de terre est plus variée dans ses appétits; elle attaque aussi les tomates, et y cause des pertes considérables.

Dégats causés par les Nématodes

Certains Nématodes provoquent des galles sur les racines. Les galles sont des proliférations anormales des tissus de la plante, en réponse à la présence des parasites; des espèces de tumeurs végétales. Près d'un millier d'espèces végétales sont infestées de cette manière.
Les méthodes de lutte employées contre les Nématodes ravageurs de cultures consistent en la rotation des cultures, la fumure chimique, l'inondation des sols, la favorisation de Champignons s'attaquant aux vers. Aucune de ces méthodes n'est complètement couronnée de succès. C'est un très gros problème... Les Nématodes posent des problèmes aux agronomes.

Nématodes libres

Les Nématodes comprennent aussi de nombreuses espèces libres.
La variation la plus nette est la taille. Certaines espèces parasites peuvent mesurer plusieurs mètres de longueur, alors que la plupart des Nématodes libres, comme celui-ci, n'excèdent pas un millimètre de longueur.

Nématodes libres marins

Les Nématodes libres vivent dans tous les milieux, pourvu qu'il y ait de la nourriture sous l'une ou l'autre forme, que la température et la salinité restent dans des limites compatibles avec la vie et que l'aération du milieu soit suffisante pour y apporter la quantité nécessaire d'oxygène. Les espèces marines, comme celle que vous voyez ici, sont dans l'ensemble les plus grandes formes libres; certaines ont presque 5 centimètres de longueur. Elles se trouvent sur tous les rivages sableux ou vaseux, plus particulièrement dans les vases pleines de végétaux microscopiques et de débris organiques dont les vers se nourrissent. Sur ces fonds, ce sont les plus nombreux des animaux pluricellulaires. Une poignée de boue peut facilement contenir plusieurs milliers d'individus appartenant à des dizaines d'espèces. Même dans les régions antarctiques, un dé de vase du fond regorgera presque partout de centaines de Nématodes libres. Le record de profondeur pour les Nématodes qui vivent sur le fond des mers dépasse 6000 mètres. Les Nématodes marins forment le groupe le plus abondant de toutes les formes métazoaires.

Les nématodes d'eau douce

Les Nématodes d'eau douce sont aussi très largement distribués. Ils sont transportés par les courants, les Oiseaux aquatiques, d'autres animaux, des plantes à la dérive. Ils vivent dans les eaux tranquilles ou courantes, mais abondent surtout sur les rives des lacs, où ils cherchent les fonds rocheux ou vaseux envahis par la végétation. Quelques espèces sucent la sève des plantes aquatiques, d'autres se nourrissent de matières en décomposition, beaucoup dévorent des Protozoaires, d'autres Nématodes, ou des petites formes qui leurs sont apparentées, comme les Rotifères dont nous parlerons plus loin.

La glande

Les Nématodes qui vivent dans les torrents rapides ou des cascades de montagne peuvent se fixer sur un support grâce à la sécrétion visqueuse de glandes, à l'extrémité postérieure. Presque tous les Nématodes libres possèdent ces glandes, plus ou moins développées, mais les espèces parasites en sont dépourvues.

Diversité des nématodes

Les Nématodes terrestres sont dispersés par les vents, les plantes et les animaux, presqu'à la façon des Protozoaires. Comme pour ces derniers, la vaste répartition des espèces est en rapport avec la petite taille, et la faculté de résister à la sécheresse sous une forme inerte.
La densité des Nématodes du sol a été soigneusement estimée au Danemark, par exemple. Dans les terrains cultivés, on peut trouver 2 millions de vers au mètre carré, et jusqu'à 20 millions dans les prairies. Ils vivent surtout dans la couche superficielle, jusqu'à une dizaine de centimètres; seules quelques espèces habitent plus profondément. Les plus petits vers, qui mesurent jusqu'à un demi millimètre de long, se nourrissent de bactéries, de petites algues du sol. Les plus grands, munis de dents ou de dispositifs de broyage, mangent des Protistes, des Rotifères, d'autres Nématodes...

Caenorhabditis elegans

Les Nématodes offrent un modèle remarquable pour l'étude du développement, de la différenciation et du vieillissement cellulaire.
Voici le Nématode préféré dans ce type d'études : Caenorhabditis elegans. Il est petit, d'anatomie très simple, d'élevage facile, et propice aux manipulations génétiques. Son génome est même séquencé. Chez ces Nématodes, les divisions et les déplacements cellulaires sont ordonnés avec une grande précision. Les lignées cellulaires formant les différentes parties du corps sont les mêmes chez chaque individu. Ce phénomène a permis de suivre le développement de Caenorhabditis cellule par cellule, depuis l'oeuf jusqu'à l'âge adulte. Caenorhabditis est transparent, et l'on peut suivre les cellules lorsqu'elles se divisent, migrent et se différencient dans l'animal vivant.
Le cycle vital de Caenorhabditis est rapide : en trois jours et demi à 20 degrés, le zygote se développe en adulte en passant par 4 stades larvaires. A première vue, les larves ressemblent aux adultes. Les plus grands changements sont la taille et la complexité de la gonade qui contient 4 cellules chez la larve, et 2.500 environ chez l'adulte mature.